La
rébellion s'intensifie parmi les travailleurs de la base aux Etats-Unis contre
le syndicat United Auto Workers (UAW.) Ces dernières semaines, les travailleurs
de l'usine GM d'emboutissage d'Indianapolis ont voté massivement contre une
réduction des salaires de 50 pour cent que l'UAW les encourageait à voter. Les
travailleurs de l'usine GM de Lake Orion dans la banlieue de Detroit ont
exprimé une opposition indignée à l'accord par l'UAW de diviser par deux leur
salaire sans même permettre que se tienne un vote de ratification.
Les
travailleurs d'Indianapolis ont formé le Comité de base de l'usine
d'emboutissage de GM et appelé les travailleurs à suivre leur exemple en créant
des comités d'action indépendants d'UAW et opposés à ce syndicat, pour
organiser une lutte visant à défendre les emplois et rejeter la structure des
salaires à deux vitesses imposés l'année dernière par l'UAW et le gouvernement
Obama.
La
création de ce comité de base a touché une corde sensible chez les
travailleurs, aux Etats-Unis et dans le monde, qui ont vécu des trahisons
semblables aux mains de syndicats pro-patronaux et pro-gouvernementaux.
Cette rébellion a généré une inquiétude considérable dans
l'establishment patronal et médiatique, qui craint que l'UAW ne perde
son contrôle sur les travailleurs. « Des travailleurs syndiqués indignés
citent l'usine d'Orion comme un exemple de plus de la manière dont les
dirigeants syndicaux ne représentent pas leurs intérêts, » a écrit le Detroit
Free Press en première page récemment. « Le rejet de contrats par des
travailleurs de chez Ford l'an dernier et dans une usine GM d'emboutissage à
Indianapolis la semaine dernière, montrent que les travailleurs n'ont pas peur
de rompre avec leur direction syndicale. »
Dans un commentaire du Detroit News, le
chroniqueur Dan Calabrese dit a ses lecteurs de consulter le World Socialist
Web Site pour avoir une idée de ce que la majorité des travailleurs pense.
« Selon le WSWS, » écrit-il, « C'est l'UAW
qui fait des coups bas et use d'intimidations pour contraindre les pauvres
travailleurs assiégés à la soumission au Grand homme. »
Le
président de l'UAW Bob King, ajoute Calabrese avec sarcasme, mais de façon tout
à fait juste, n'est rien qu'un « larbin capitaliste droitier. »
Le
conflit entre les travailleurs de la base et l'UAW soulève une question
stratégique cruciale: Les travailleurs de l'automobile devraient-ils lutter
pour réformer l'UAW ou bien est-il nécessaire de rompre avec le syndicat et de
construire de nouvelles organisations de lutte?
Une foule de représentants actuels et anciens de l'UAW,
dont le fondateur de Soldiers of Solidarity (Soldats de la solidarité) Greg
Shotwell et leurs sympathisants de la publication Labor Notes et des soi-disant
organisations de « gauche » telle l'International Socialist
Organisation, insistent pour dire que les travailleurs ne doivent pas rompre
avec l'UAW, mais plutôt chercher à le réformer. Pour eux, aucune lutte n'est
permise ni légitime si elle ne reste au sein de la structure de l'UAW.
C'est la
formule garantie pour davantage encore de défaites pour ces travailleurs!
Dans un
commentaire sur les travailleurs de Lake Orion, tout à fait typique de cette
optique, Shotwell les encourage fortement à en appeler aux représentants de
l'UAW, disant « Ils ont besoin qu'on leur rappelle que leur première obligation
est envers leurs adhérents et leur propre constitution. »
Quiconque
prétend, après tout ce qui s'est passé non seulement durant l'année passée mais
les 30 dernières années, que les représentants de l'UAW sont sensibles à des
rappels des travailleurs sur leurs « obligations » envers la base, se
fait des illusions ou bien cherche à semer des illusions.
L'UAW et
son armée de bureaucrates servent depuis longtemps non pas les travailleurs
mais les entreprises et le gouvernement. C'est ainsi que les milliers de
délégués des services, directeurs régionaux, officiels locaux et autres
bureaucrates de l'UAW gagnent leur salaire à six chiffres et leurs autres
avantages. Avec des parts substantielles dans les entreprises automobile de
Detroit, les cadres de l'UAW ont une incitation financière directe à appauvrir
leurs propres membres.
Shotwell, Labor Notes & Co n'ont rien de
« militant » ou de « dissident. » Ils n'appellent à aucune
action de grèves ou d'occupations pour lutter contre les réductions des salaires,
des prestations sociales et des emplois. Au contraire, ils prêchent la
résignation et l'obéissance à la bureaucratie de l'UAW qu'ils servent
consciencieusement.
Leur soutien à l'UAW va de pair avec leur asservissement
au Parti démocrate et au système capitaliste qu'il défend. Ils promeuvent le
mensonge éculé que le Parti démocrate est un parti du « peuple » et
le décrivent comme le bienfaiteur de la classe ouvrière.
L'histoire
montre que chaque acquis obtenu par les travailleurs américains a été le résultat
de luttes déterminées contre l'establishment patronal et les deux partis
patronaux. Le droit même d'avoir un syndicat, ainsi que la journée de huit
heures, les lois sur le travail des enfants, les heures supplémentaires, les
allocations santé, etc ont souvent été arrachés dans des luttes sanglantes
contre la résistance violente des employeurs et du gouvernement. Chaque fois
que les Démocrates sous la menace de la révolution ont accordé des concessions
aux revendications des travailleurs, ils l'ont fait pour étouffer le mouvement
social de façon à pouvoir récupérer ces acquis plus tard.
Aujourd'hui,
le résultat de cette subordination de la classe ouvrière, par le biais des
syndicats, au Parti démocrate est claire: C'est un retour à la pauvreté et à
l'exploitation des ateliers de misère.
Les
travailleurs américains ont conquis des acquis en prenant l'initiative de la
rébellion contre tous ceux qui défendaient le statu quo. Ce fut le cas dans les
années 1930 où des militants socialistes et de gauche ont mené la rupture avec
les syndicats de métiers AFL pour former l'UAW.
Le
programme de ces premiers pionniers, qui ont organisé les grèves de 1934-5 à
Auto-Lite et Chevrolet à Toledo dans l'Ohio, se lit comme une condamnation de
l'UAW aujourd'hui. Ils dénonçaient l'arbitrage obligatoire et les accords
d'interdiction de grève, et insistaient pour dire que les travailleurs ne
« devraient pas faire confiance aux agences et conseils gouvernementaux...
qui sans exception n'aident que les employeurs. » La convention de
fondation de l'UAW en 1935 appelait à rompre avec les Démocrates et à créer un
National Labor Party (Parti travailliste national.)
Mais les dirigeants du CIO, y compris John L. Lewis et
Walter Reuther lièrent les syndicats nouvellement crées à Roosevelt et aux
Démocrates et aux intérêts nationaux et internationaux du capitalisme
américain. Ils abandonnèrent toute lutte pour la démocratie au travail ou la
restructuration radicale de l'économie américaine et se débarrassèrent des
militants socialistes et de gauche qui avaient crée le syndicat.
Ceci
laissa la classe ouvrière sans défense devant la contre-offensive du patronat
américain à la fin des années 1970 et 1980. Ayant lié le destin de la classe
ouvrière à la santé du capitalisme américain, l'UAW collabora ouvertement avec
les employeurs et les politiciens du patronat pour réduire la main d'oeuvre
dans l'industrie et réduire de façon drastique le coût du travail, ce qui
conduisit à la destruction d'un million d'emplois dans le secteur automobile durant
ces trois dernières décennies.
On ne
peut plus qualifier l''UAW et les autres syndicats d'«organisations
ouvrières » puisqu 'ils ne répondent pas au critère de base, celui de
défendre les intérêts des travailleurs.
Cette
opposition grandissante, chez les travailleurs de l'automobile aux Etats-Unis,
est une des expressions d'un mouvement naissant de la classe ouvrière dans le
monde entier. Partout on dit aux travailleurs qu'ils faut céder, qu'il faut se
sacrifier, alors même que les banquiers et les chefs d'entreprises qui ont crée
cette crise se portent mieux que jamais.
La lutte
pour le droit à un emploi, à un salaire qui permette de vivre, à des soins de
santé et à une retraite décente amène les travailleurs automobile à un conflit
toujours plus direct avec le système économique dicté par les intérêts de
profit d'une couche minuscule de la population.
La
première étape dans la lutte pour ces droits doit être la formation
d'organisations véritables de lutte de la classe ouvrière , des comités
d'action de la base, totalement indépendants des grandes entreprises, des deux
partis du patronat et de leurs laquais au sein de l'UAW.