Le sommet du G20 en Corée du Sud s’est achevé, comme
il fallait s’y attendre, sans qu’un accord ait été trouvé entre les
principales puissances pour résoudre des conflits monétaires et commerciaux de
plus en plus tenaces.
Le communiqué final de vendredi a juste tenté de
dissimuler les divisions en fixant un calendrier pour l’année prochaine
afin d'accepter « des lignes directives » sur les déséquilibres de
l’économie mondiale. Entre-temps, les principaux acteurs poursuivent leur
politique « du chacun pour soi » qui menace de provoquer une guerre
commerciale totale.
Le sommet a révélé l’incapacité des Etats-Unis à
imposer sa volonté aux autres puissances. Le gouvernement Obama n’a pas
réussi à obtenir un accord sur ses principaux objectifs, dont l’exigence
que la Chine permette une réévaluation plus rapide de sa monnaie et que des
restrictions plus sévères soient placées sur les exportations originaires de
pays excédentaires (à savoir la Chine et l’Allemagne). Le gouvernement
n’a pas réussi non plus à s’assurer un accord commercial bilatéral
avec la Corée du Sud qu’il avait claironné au monde.
Avant comme après le sommet, les principales puissances
tout comme les économies « émergeantes » ont critiqué la politique
économique de plus en plus belligérante des Etats-Unis.
Un peu plus d’une semaine avant la conférence, la
Réserve fédérale américaine avait annoncé un nouveau plan visant
essentiellement à imprimer près de mille milliards de dollars, dévaluant le
dollar et inondant une fois de plus les marchés financier avec de
l’argent bon marché – ce qui est le moteur de la classe dirigeante
américain. Cette mesure a été à juste titre dénoncée comme étant le type même
de manipulation monétaire que les Etats-Unis accusent la Chine de pratiquer.
Le résultat du sommet est une preuve de plus que le crash
financier de 2008 n’était pas un déclin provisoire et qui fera place à un
nouvel équilibre. Un ajustement progressif des énormes déséquilibres des
balances commerciales et des déficits s’est révélé impossible. Tout comme
durant les années 1930, aujourd'hui l’effondrement de l’ordre
existant s'exprime dans un conflit entre les Etats sur la question de savoir
qui sera obligé de payer.
Les classes dirigeantes des différentes puissances
capitalistes arrivent elles-mêmes à la conclusion qu’il n’y a pas
d’assainissement économique rapide à l'ordre du jour. Depuis surtout le
déclenchement, au printemps, de la crise de la dette en Europe lorsqu’il
est apparu clairement qu’il n’y aurait pas de retour progressif à
une croissance constante, la réponse a été double : 1) Prendre des mesures
visant à reporter la crise sur les puissances rivales, et 2) Imposer une
politique d’austérité de plus en plus drastique à la classe ouvrière.
Au moment même où le sommet avait lieu, deux événements
ont permis de souligner le lien étroit qui existe entre les tensions mondiales
et l’austérité sociale. Premièrement, les représentants européens du G20
ont été obligés d’interrompre leurs délibérations animées pour rassurer
les marchés obligataires en Europe qui avaient fait monter en flèche les
rendements des obligations dans plusieurs pays.
Les investisseurs étaient nerveux quant à la capacité de
l’Irlande et des autres pays européens à imposer des mesures
d’austérité suffisamment drastiques. Ils étaient également contrariés par
les suggestions selon lesquelles les investisseurs privés pourraient être
obligés de régler une part plus importante de la note des futurs plans de
sauvetage. Pour empêcher une nouvelle crise d’endettement, au moins
temporairement, les représentants européens ont été obligés de tenir une
conférence de presse pour garantir aux acquéreurs d’émission obligataire
que leur argent était sûr.
Deuxièmement, les présidents de la commission sur la
réduction de la dette, mise en place par le gouvernement Obama, ont publié une
liste de propositions pour venir à bout des déficits budgétaires américains et
dont font partie des coupes drastiques dans le financement des programmes
sociaux clé. Il est probable que le moment de la sortie du rapport des présidents
a été choisi pour, en partie du moins, coïncider avec le sommet du G20 dans le
but d’envoyer un signal aux autres puissances en montrant que les
Etats-Unis sont déterminés à imposer leurs propres mesures d’austérité.
Obama s’est fait un devoir à la réunion du G20 de
venir à la rescousse des présidents de la commission sur la réduction de la
dette budgétaire en déclarant qu’il était nécessaire de « prendre
des mesures difficiles » et de « dire la vérité au peuple
américain. »
L’aristocratie financière américaine considère
l’imposition à la classe ouvrière de mesures d’appauvrissement
comme une condition clé du maintien de sa position sur la scène mondiale
– par l’augmentation des exportations et la réduction de la dette
américaine.
Un article paru dans la toute dernière édition de la revue
Foreign Affairs (« La prodigalité américaine et la puissance
américaine : Les conséquences de l’irresponsabilité fiscale » -
« American Profligacy and American Power: The Consequences of Fiscal
Irresponsibility ») souligne ce point. Richard Haas, le président du
Conseil des relations étrangères, et Roger Altman, un ancien conseiller au
Trésor, ont averti que le fardeau de la dette américaine pourrait se révéler
être catastrophique pour les intérêts mondiaux américains en réduisant la
capacité de Washington de financer l’armée, en augmentant le moyen de
pression économique de créanciers des Etats-Unis – notamment la Chine
– et en sapant l’influence des Etats-Unis à l’étranger.
« Ce ne sont pas les activités américaines à risque
dans le monde qui mettent en danger la solvabilité américaine, » concluent
les auteurs, « mais l'extrême prodigalité américaine dans le pays qui
menace la puissance et la sécurité américaines. »
Le monde entre dans une phase nouvelle et plus dangereuse
de la crise capitaliste. Derrière les conflits mondiaux grandissants se trouve
le danger d’une guerre dans laquelle la manipulation des monnaies ouvre
la voie à l’échange de bombes.
Parmi les principaux éléments qui sous tendent le
déséquilibre mondial se trouve le déclin économique à long terme des
Etats-Unis. Toutefois, la classe dirigeante américaine, qui est foncièrement
impitoyable dans la défense de sa propre richesse matérielle, n’hésitera
pas à recourir aux deux principaux instruments dont elle dispose – le
dollar américain et la force militaire américaine – pour enrayer ce
déclin.
Au cours du mois passé, et particulièrement depuis les
élections, le gouvernement Obama a adopté une attitude nettement plus
militariste – en indiquant une extension de l’occupation militaire
américaine en Irak et en Afghanistan, en intensifiant ses menaces contre
l’Iran et en faisant allusion à une guerre avec la Chine au sujet de son
conflit territorial avec le Japon. Les Etats-Unis courtisent de façon agressive
des alliés potentiels dans un conflit avec la Chine. Le fait que cette
offensive coïncide avec un nouvel assaut contre la classe ouvrière américaine
n’est pas le fait du hasard – l’impérialisme, remarquait
Lénine, est réaction sur toute la ligne.
Dans le cadre du système économique actuel, il n’y a
pas d’issue pacifique à l’impasse dans laquelle la classe
dirigeante mène l’humanité. Au danger de la guerre, la classe ouvrière
internationale doit apporter sa propre réponse : la révolution sociale.