Mardi, le nouveau gouvernement allemand a approuvé le projet de budget pour l'année en cours et les lignes directrices budgétaires jusqu'en 2029. Celles-ci prévoient un triplement des dépenses de défense en cinq ans. Le gouvernement entend désormais atteindre l'objectif de l'OTAN de 5 pour cent du PIB pour les dépenses militaires et autres dépenses liées à la guerre d'ici 2029 au lieu de 2035.
Le budget du ministère de la Défense passera de 52 milliards d'euros en 2024 à 153 milliards d'euros en 2029. Cela représente quasiment 27 pour cent du budget total contre 11 pour cent jusque là. De plus, des milliards supplémentaires seront dépensés pour développer une infrastructure compatible avec la guerre et qui favorise les guerres. Rien que cette année, 8,3 milliards d'euros ont été affectés au soutien militaire à l'Ukraine.
Ce programme d'armement est financé par de nouveaux emprunts massifs. Le ministre des Finances, Lars Klingbeil, prévoit déjà de contracter de nouveaux prêts totalisant 143,1 milliards d'euros cette année. D'ici 2029, cette somme devrait atteindre 185 milliards d'euros. Au total, la dette supplémentaire s'élève à 850 milliards d'euros. La charge de la dette du gouvernement allemand augmentera de plus de moitié en cinq ans, passant de 1 617 milliards d'euros (au 30 avril 2025) à 2 464 milliards d'euros.
Cela est possible grâce à l'autorisation de crédits de plus de 1 000 milliards d'euros de prêts que l'Union chrétienne-démocrate/Union sociale chrétienne et les Sociaux-démocrates ont adoptée en mars avec le soutien des Verts ; et au Bundesrat (Conseil fédéral) également avec celui du Parti de gauche. Cela a exempté les dépenses militaires et certains investissements des dispositions du Frein à l'endettement.
Avec cette nouvelle dette importante, le ministre des Finances Klingbeil, qui est également président du SPD, tente de retarder une confrontation ouverte avec la classe ouvrière. Cela serait inévitable si tous les fonds pour le réarmement étaient immédiatement transférés des dépenses sociales et d'autres postes budgétaires. Cela ne signifie cependant pas que la population n'aura pas à payer le prix du réarmement.
Le simple fait que Klingbeil dispose de la marge financière nécessaire pour contracter de nouveaux emprunts aussi élevés est le résultat de décennies de coupes sociales. Le Frein à l'endettement, qui fixe des limites strictes aux emprunts de l'État, a été inscrit dans la Loi fondamentale en 2009 spécifiquement à cette fin. Comme l'a souligné Klingbeil, le faible ratio d'endettement de 63 pour cent par rapport à d'autres pays lui permet désormais de contracter de nouveaux emprunts importants. Ce qui a été économisé dans les dépenses sociales, les gouvernements locaux et d'autres domaines socialement pertinents est maintenant versé dans le réarmement et la guerre.
Étant donné que le frein à l'endettement continue de s'appliquer à tous les domaines en dehors du réarmement et de l'investissement, les mesures d'austérité se poursuivront sans relâche. Klingbeil s'est vanté d'avoir repoussé des demandes supplémentaires de ses collègues de cabinet de l'ordre de 50 milliards d'euros. Le nombre de fonctionnaires au plan national doit être réduit de 8 pour cent d'ici 2029.
Il n'y a pas non plus de solution en vue pour la crise à laquelle sont confrontées les municipalités. Beaucoup craignent que les allègements fiscaux pour les entreprises et les riches, introduits par le gouvernement au début du mois, ne les mènent complètement à la banqueroute. Le soi-disant «dispositif d'incitation à l'investissement» permet aux entreprises de demander des amortissements plus élevés et de payer moins d'impôts. L'impôt sur les sociétés, dont la moitié va au gouvernement national et l'autre moitié aux Lands, sera progressivement réduit de 15 à 10 pour cent.
Le gouvernement comble la crise financière des assureurs maladie et dépendance par des prêts qu'ils devront rembourser. Klingbeil l’a justifié en disant que leurs revenus augmenteront à nouveau avec la reprise économique. Mais c'est là un calcul de laitière au pot au lait. Les organisations patronales et la presse d’affaires poussent déjà à des coupes massives dans les dépenses sociales et les retraites. Le gouvernement le fera au plus tard lorsque le service de sa dette croissante engloutira une grande partie du budget.
Avant de partir pour le sommet de l'OTAN mardi, le chancelier Friedrich Merz a souligné que l'Allemagne n'augmentait pas ses dépenses militaires «pour faire plaisir aux États-Unis et à leur président. Nous faisons cela sur la base de nos propres vues et convictions.» C'est indéniablement le cas. Mais que l’enjeu soit la paix en Europe et la protection contre des attaques soit disant préparées par la Russie, comme l’a dit Merz dans sa déclaration gouvernementale, est un mensonge.
Depuis des années, les principaux représentants de l'élite allemande exigent que l'Allemagne joue à nouveau dans le monde un rôle politique et militaire qui soit à la mesure de son poids économique. Le gouvernement Merz a déclaré que son objectif était de faire de la Bundeswehr (forces armées allemandes) l'armée la plus forte d'Europe.
Par l'avancée de l'OTAN en Europe de l'Est et son soutien au coup d'État de 2014 en Ukraine, les puissances occidentales ont provoqué une attaque réactionnaire du régime Poutine, qui se vit encerclé et menacé dans son existence. Depuis, l'Allemagne a délibérément attisé la guerre en Ukraine, la soutenant par des livraisons d'armes valant des milliards et sabotant toute solution négociée qui n'implique pas la reddition complète de Moscou.
Pour la première fois, les forces armées allemandes ont stationné en permanence une brigade en Lituanie, un emplacement stratégique clé qui les placerait au centre de la guerre si le conflit avec la Russie s'intensifie.
L'objectif n'est pas seulement le contrôle complet de l'Ukraine, mais aussi la soumission et le démantèlement de la Russie, et l'accès sans entrave à ses précieuses ressources naturelles. Dans un monde de plus en plus dominé par les conflits entre grandes puissances, les guerres commerciales et les confrontations militaires, l’expansion de l'impérialisme allemand reprend la même direction que dans la Première et la Seconde Guerre mondiale, où il a déjà occupé l'Ukraine et tenté de subjuguer la Russie, puis l'Union soviétique.
Ce sont les objectifs que Merz, Klingbeil et toute la classe dirigeante poursuivent à nouveau aujourd'hui avec leur offensive pour le réarmement. Ils doivent être stoppés. Cela nécessite la construction d'un mouvement international puissant dans la classe ouvrière et chez les jeunes, qui lie la lutte contre la guerre, les coupes sociales et la dictature, à la lutte contre le capitalisme.