Dans une décision importante rendue jeudi, le juge fédéral Charles R. Breyer, nommé par Clinton, a jugé que la prise de contrôle de la Garde nationale de Californie par le président Donald Trump au détriment du gouverneur Gavin Newsom était illégale et inconstitutionnelle.
En accordant la demande d'injonction provisoire de Newsom, le juge Breyer a écrit que les actions de Trump dépassaient « le champ de son autorité légale » et violaient « le dixième amendement de la Constitution des États-Unis », qui affirme que le gouvernement fédéral ne possède que les pouvoirs qui lui sont conférés par la Constitution, tous les autres étant réservés aux États ou au peuple.
Breyer a écrit que Trump « doit donc restituer sans délai la direction de la Garde nationale de Californie au gouverneur de l'État de Californie ».
Au moment où nous écrivons ces lignes, quelque 4 000 membres de la Garde nationale de Californie ont été fédéralisés par Trump et son secrétaire à la Défense fasciste, Pete Hegseth. Les soldats ont été mobilisés en vertu des ordres du titre 10 pour aider à l'opération d’expulsion de masse et à la tentative de coup d'État de Trump.
La Californie, l'État le plus peuplé des États-Unis, possède également la plus grande Garde nationale du pays, avec un peu moins de 20 000 membres. En réponse aux manifestations qui ont eu lieu dans le comté de Los Angeles le 7 juin, déclenchées par l’enlèvement de travailleurs et de membres de leur famille par des agents de l'immigration, Trump a publié un mémorandum à l'intention du secrétaire à la Défense Pete Hegseth, de la procureure générale Pam Bondi et de la secrétaire à la Sécurité intérieure Kristi Noem. Ce mémorandum affirmait à tort que les manifestations constituaient une «forme de rébellion contre l'autorité du gouvernement des États-Unis ».
Afin d'écraser cette prétendue « rébellion », Trump a ordonné à Hegseth de déployer « au moins 2000 » soldats de la Garde nationale pendant « 60 jours ou à la discrétion » du secrétaire à la Défense. Le mémorandum autorisait également Hegseth à « employer tout autre membre des forces armées régulières si nécessaire ». Suivant les directives de Trump, Hegseth a immédiatement mobilisé 2000 membres de la Garde nationale de Californie, sans en informer leur commandant en chef, le gouverneur de Californie Gavin Newsom.
Dans les jours qui ont suivi, malgré les objections du gouverneur Newsom, Hegseth a mobilisé 2000 membres supplémentaires de la Garde nationale californienne, ainsi que 700 marines américains. Actuellement, environ 4700 militaires sont déployés ou en route vers Los Angeles dans le cadre de la Force opérationnelle interarmées 51 (JTF-51), qui opère sous le commandement du Commandement nord-américain (USNORTHCOM).
Si l'ordonnance de Breyer ordonne que le contrôle de la Garde soit rendu à Newsom, elle n'empêche pas la Garde de poursuivre sa soi-disant mission sous Trump, à savoir garder les bâtiments fédéraux où la Gestapo de l'immigration mène ses opérations et fait disparaître des immigrants.
Dans sa décision, Breyer a cité des décisions judiciaires antérieures annulant les tentatives de Trump d'expulser des immigrants en vertu de la Loi sur les ennemis étrangers, soulignant que les États-Unis ne sont ni « envahis » ni confrontés à une « rébellion armée ». Il a souligné que les manifestations n'ont pas empêché l'ICE de poursuivre ses opérations.
Breyer a notamment présenté à l'administration Trump un « exemple classique » de situation dans laquelle le président serait légalement autorisé à fédéraliser la Garde nationale. Il a cité la grève postale de 1970, écrivant :
« Dans ce cas, le système postal était paralysé : les « forces régulières » des facteurs étaient en grève et il n'y avait aucun autre moyen de distribuer le courrier. Dans le cas présent, les forces régulières étaient et sont toujours en service. Bien que l'ICE n'ait pas pu détenir autant de personnes que les défendeurs le pensaient, elle a néanmoins été en mesure d'appliquer les lois fédérales sur l'immigration. En effet, l'ICE continue de mener des actions coercitives, appliquant ces lois. »
Malgré la décision du juge, rien ne garantit que l'administration Trump, coupable d'actes criminels, s'y conformera. Lors de son témoignage devant la commission des forces armées de la Chambre des représentants le 12 juin, le secrétaire Hegseth a refusé de dire clairement s'il se conformerait à une décision de justice interdisant la fédéralisation des troupes de la Garde nationale.
Pressé par le représentant Ro Khanna (démocrate de Californie), qui lui a demandé : « Quelle que soit la décision du tribunal fédéral de district, vous y vous conformerez-vous ? », Hegseth a éludé la question à plusieurs reprises, répondant : « Ce que je peux vous dire, c'est que mon travail consiste actuellement à m'assurer que les troupes que nous avons à Los Angeles sont capables de soutenir les forces de l'ordre. »
Pressé à nouveau par Khanna, Hegseth a répondu : « Nous avons toujours respecté les décisions de la cour », avant d'ajouter rapidement : « Ce que je veux dire, c'est que les juges locaux ne devraient pas décider de la politique étrangère ou de la politique de sécurité nationale du pays. »
L'administration Trump a déjà fait appel de la décision de la cour. Au moment de la publication, la Cour d'appel du 9e circuit des États-Unis a temporairement bloqué l'ordonnance du juge Breyer, qui devait entrer en vigueur vendredi midi. Une audience est prévue mardi prochain.
Dans l'intervalle, les gouverneurs républicains, désireux de démontrer leur loyauté envers Trump et l'État policier en pleine expansion, ont mobilisé leurs propres unités de la Garde nationale en prévision des manifestations pacifiques de masse contre l'administration prévues ce week-end.
Le 12 juin, le gouverneur du Texas, Greg Abbott, a officiellement ordonné la mobilisation de plus de 5000 soldats de la Garde nationale. Bien qu'Abbott n'ait pas précisé où les troupes seraient déployées, des manifestants ont rapporté avoir vu des membres de la Garde lors de la manifestation pacifique contre l'ICE à San Antonio mercredi soir.
Le 12 juin également, le gouverneur du Missouri, Mike Kehoe, a signé un décret activant la Garde nationale à titre de « mesure de précaution ». À l'heure où nous écrivons ces lignes, les manifestations contre l'ICE à Saint-Louis n'ont donné lieu à aucune arrestation. Néanmoins, dans son décret, Kehoe a déclaré : « Nous ne tolérerons aucune violence ni aucun acte illégal dans notre État. »
(Article paru en anglais le 13 juin 2025)