Les dirigeants syndicaux britanniques soutiennent la marche à la guerre du gouvernement Starmer

Les dirigeants de certains des principaux syndicats britanniques se sont empressés de soutenir publiquement le plan du gouvernement travailliste (SDR, Revue stratégique de défense) pour préparer une guerre nucléaire contre la Russie en Europe et dans l'Atlantique.

Dévoilé le 2 juin, le SDR permettrait, a déclaré le Premier ministre Sir Keir Starmer, au Royaume-Uni de «se préparer au combat» en créant une «nation prête au combat et blindée». Il prévoit la construction par la Grande-Bretagne de jusqu'à 12 sous-marins d'attaque à propulsion nucléaire au chantier naval de Barrow-in-Furness, soit un nouveau sous-marin tous les 18 mois.

Le Premier ministre Sir Keir Starmer et le secrétaire à la Défense John Healey visitent le HMS Prince of Wales, membre du groupe aéronaval, au large des côtes du Royaume-Uni, alors qu'il est déployé en service, le 24 avril 2025. [Photo by Simon Dawson/No 10 Downing Street / CC BY-NC-ND 2.0]

Un « programme d'ogives nucléaires souveraines» de 15 milliards de livres facilitera un «renouvellement historique de notre dissuasion nucléaire», ainsi qu'un financement de 1,5 milliard de livres pour la construction de six usines de munitions et de produits énergétiques et l'acquisition de 7 000 armes à longue portée fabriquées au Royaume-Uni : des mesures qui visent à consolider le rôle de la Grande-Bretagne comme fournisseur clé de l'OTAN dans la guerre contre la Russie en Ukraine.

Le financement de la guerre exige une intensification de l'offensive d'austérité contre la classe ouvrière, sans précédent depuis les années 1930. Porter les dépenses militaires à 3 pour cent du PIB, un objectif déjà affiché, implique de dégager 13 milliards de livres supplémentaires. Or, Starmer discute actuellement avec l'OTAN d'un budget militaire à 5 pour cent du PIB.

Cette vaste escalade militaire est présentée par la bureaucratie syndicale sous le couvert de l'emploi, de la croissance et de l'investissement régional. Les dirigeants syndicaux se sont emparés du SDR pour promouvoir le nationalisme et le militarisme, invoquant les « emplois dans la défense » pour contrer le sentiment anti-guerre généralisé tout en étouffant la lutte des classes contre les employeurs et le gouvernement Starmer.

La secrétaire générale du syndicat Unite, Sharon Graham, a salué le SDR, se plaignant que les dépenses militaires n'augmentaient pas assez rapidement et insistant pour dire que le gouvernement devait «acheter britannique» :

« Plus tôt cette année, le Premier ministre a promis au pays que l'augmentation des dépenses de défense servirait à créer des emplois et des compétences au Royaume-Uni. De nouveaux sous-marins de construction britannique seront un excellent début, mais le gouvernement doit aussi s'engager de toute urgence à commander de nouveaux Typhoons [avions de combat] et hélicoptères de transport moyen de fabrication britannique. Les dépenses de défense consacrées à l'industrie britannique doivent être augmentées plus rapidement. Les pays qui nous veulent du mal n'attendront pas, et le Royaume-Uni ne le peut pas non plus.

Unite, deuxième syndicat britannique, a collaboré avec Starmer pour détruire des emplois industriels chez Tata Steel à Port Talbot et permettre la fermeture de l'usine Vauxhall de Luton, sacrifiant ainsi les moyens de subsistance des travailleurs sur l'autel de la rentabilité. Mais la création d'emplois dans le secteur de la défense est présentée comme un objectif, alors que cela implique de sabrer les services sociaux et le Service national de santé (NHS) pour détourner des milliards vers les caisses de fabricants d'armes comme BAE Systems et Rolls-Royce.

Le GMB, troisième syndicat du Royaume-Uni, avait déjà salué l'engagement pris par le gouvernement travailliste en février d'augmenter les dépenses militaires. Le responsable national Matt Roberts avait déclaré: «Chaque livre de cette augmentation budgétaire devrait être consacrée aux dépenses de défense réelles et non aux coûts des ressources humaines qui étaient inclus sous les conservateurs.» Cela signifie que les 13 pour cent du budget militaire actuellement consacrés aux retraites seront également remplacés par davantage d'achats d'armes, etc.

Le secrétaire général du syndicat Prospect, Mike Clancy, a déclaré: «Alors que nous remplaçons notre dissuasion nucléaire vieillissante, nous devons également moderniser les installations où les armes sont fabriquées et entretenues. Un financement supplémentaire de 15 milliards de livres contribuera à préserver les emplois et les compétences dans cet aspect essentiel de notre sécurité nationale.»

Les syndicats GMB et Prospect se sont alliés au groupe de pression de l'industrie de l'armement ADS et le rapport conjoint d'ADS, du GMB et de Prospect, intitulé « Assurer notre avenir, ensemble », a été rédigé comme contribution au SDR. Il appelle à l'intégration du Royaume-Uni aux préparatifs de guerre mondiale, appelant à des partenariats militaires internationaux, à une réforme des achats publics et à des investissements soutenus par l'État dans la fabrication d'armes. L'industrie de l'armement est vantée comme une source de « bons emplois », invoquant la pénurie de compétences et l'incertitude économique pour justifier l'injection de fonds publics dans le complexe militaro-industriel.

Le soutien de la bureaucratie syndicale au militarisme impérialiste s'est intensifié avec la guerre par procuration menée par l'OTAN contre la Russie en Ukraine. En 2022, la confédération syndicale TUC (Trades Union Congress) a adopté une motion présentée par le GMB et soutenue par Unite, annulant l'ancienne politique du TUC de 2017 sur la diversification de la défense et la remplaçant par un soutien explicite à l'augmentation des dépenses militaires. La motion soutenait « une augmentation immédiate des dépenses de défense » et la campagne « Making It » du GMB, et exigeait un « programme de travaux de défense sur 30 ans », incluant les programmes de sous-marins Astute et Dreadnought de BAE Systems et Rolls-Royce.

Certains partis de la pseudo-gauche, comme le SWP (Socialist Workers Party), ont émis des critiques sans effet, exhortant les dirigeants syndicaux à «rompre avec le militarisme ». Ils présentent le bellicisme de la bureaucratie comme un choix politique erroné, plutôt que comme la fonction essentielle d'une caste privilégiée qui fait la police dans la classe ouvrière pour le compte de l'État capitaliste et agit comme sergent-recruteur pour la guerre.

Selon le SWP, les dirigeants syndicaux peuvent être «poussés à représenter les intérêts des travailleurs», même s’ils sont «réticents à faire quoi que ce soit qui risque de mettre en péril leur place à la table des négociations avec les patrons».

Et de quoi le SWP peut-il se vanter en fait de réussite due à sa tactique de la pression massive sur la bureaucratie syndicale dans la question urgente du jour – Gaza – dix-neuf mois après le début du génocide, après que des millions de travailleurs et de jeunes ont manifesté pour mettre fin aux atrocités?

Graham, promue par le SWP comme une branche réformatrice de la bureaucratie, a mené une chasse aux sorcières contre les membres d'Unite qui exigeaient le boycott des ventes d'armes à Israël, notamment des composants BAE utilisés dans les avions de chasse F-35 qui massacrent les civils à Gaza. Elle a entre autre défié les politiques adoptées à la conférence du syndicat, comme le soutien au boycott, au désinvestissement et aux sanctions contre Israël. Un courriel de Graham dénonçait des actions « qui nuisent activement à nos membres et à leurs emplois » menées par « des groupes qui cherchent à tisser des réseaux au sein des syndicats pour saper l'industrie de la défense ou exiger le démantèlement de l'OTAN et de l'AUKUS ».

Ceux présentés comme une alternative « de gauche» ou comme «amis des Palestiniens», telle que la bureaucratie du syndicat RMT (Rail, Mer, Transports), ont eu carte blanche pour prononcer leurs discours creux. Le dirigeant du RMT, Eddie Dempsey, a même donné un alibi à l'envoi de la Royal Fleet Auxiliary [de la Royal Navy] pour apporter un soutien logistique aux forces armées britanniques soutenant le siège de Gaza, prétextant que c’était pour des objectifs «humanitaires».

La déclaration du précédent gouvernement (conservateur) sur le déploiement du groupe opérationnel en Méditerranée orientale en octobre 2023 était sans ambiguïté: «L’ensemble militaire, qui comprend des avions P8, des moyens de surveillance, deux navires de la Royal Navy – RFA Lyme Bay et RFA Argus – trois hélicoptères Merlin et une compagnie de Royal Marines, sera prêt à apporter un soutien pratique à Israël et à ses partenaires dans la région, et à offrir dissuasion et assurance.»

Depuis 20 mois maintenant, l'ensemble de la bureaucratie syndicale britannique rejette collectivement l'appel des syndicats palestiniens, du 16 octobre 2023, qui insistait sur le fait que «cette situation urgente et génocidaire ne peut être évitée que par une augmentation massive de la solidarité mondiale avec le peuple palestinien et que cela peut freiner la machine de guerre israélienne».

La lutte contre l'austérité et la guerre implique de mener une offensive politique contre le gouvernement Starmer et son allié, la bureaucratie syndicale. Des comités de la base, indépendants de l'appareil syndical, doivent être constitués sur chaque lieu de travail, reliant les travailleurs par-delà les secteurs et les frontières. Ces comités doivent unifier la lutte contre l'instauration d'une économie de guerre et celle pour défendre les emplois, les salaires et les services publics essentiels.

Ils doivent répondre à l’appel à la solidarité des syndicats palestiniens, notamment en organisant une action collective pour mettre fin à la production et à l’envoi d’armes vers Israël.

Ce n’est qu’en rompant consciemment avec la bureaucratie syndicale nationaliste et pro-impérialiste que la classe ouvrière pourra adopter un programme socialiste et internationaliste pour mettre fin au génocide, empêcher un embrasement mondial et garantir un avenir basé sur la paix, l’égalité et les besoins humains, et non sur le profit et la guerre.

(Article paru en anglais le 10 juin 2025)

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